Le choix des pièces, appelées « production » dans les contentieux de nature administrative, à verser aux débats est un aspect du travail de l’avocat tout aussi décisif pour gagner un dossier que l’écrit lui-même.

Cette sélection des pièces pertinentes à l’appui de la défense de son client requiert une attention particulière, et participe pleinement à la stratégie de défense.

En effet, il ne faut produire que des pièces utiles à la cause de notre client, que des pièces qui apportent la preuve d’un fait juridique, un fait susceptible d’entrainer l’application d’une règle de droit. Certaines pièces ont plus de valeur probante que d’autres (les actes de l’administration notamment), ce sont celles qui faudra demander au client et mettre en avant. Cependant, les pièces qui prises isolément sont considérées comme moins probantes peuvent constituer un faisceau d’indices propre à confirmer l’authenticité du fait avancé (tels que les témoignages).

Prenons l’exemple d’un ressortissant étranger souhaitant demander sa régularisation en se fondant sur ses dix ans de présence en France. Il faut verser aux débats au moins deux documents par année, mais les préfectures en exigent souvent plus (souvent au moins un par trimestre). Les actes administratifs sont à privilégier (ancienne décision de refus de délivrance de titre de séjour, avis d’imposition, attestation de l’aide médicale d’état…).

En l’absence de tels documents, d’autres preuves sont à prendre en compte (ordonnances médicales, contrat de location et quittances de loyer, contrat de travail…). Un « bon » dossier sera celui pour lequel on pourra verser aux débats un ou deux documents administratifs par année, et deux ou trois autres documents qui confirmeront la présence de la personne pour telle ou telle année.

En outre, il est nécessaire d’évaluer l’apport d’une preuve matérielle. Certaines pièces peuvent discréditer un dossier parce que soit elles établissent un fait qui fragilise le client et dont l’adversaire pourra se servir dans sa propre argumentation, soit elles vont à l’encontre de la stratégie déployée par l’avocat. Par exemple, il est rarement opportun de mentionner l’existence de membres de la famille proche à l’étranger.

Enfin, l’avocat doit être vigilant à ne pas produire de faux documents ou des documents falsifiés, ce qui d’une part le discréditera aux yeux des juges, et d’autre part aura forcément une incidence non négligeable sur la crédibilité du dossier. Ce point doit être plus spécifiquement respecté en matière de droit d’asile où l’établissement des preuves des persécutions est vraiment central.

A cette étape, il pourra être nécessaire de réclamer à son client des pièces complémentaires pour consolider sa défense. Un nouveau rendez-vous peut s’avérer utile pour expliquer sa démarche à son client et faire le point sur le dossier et les prochaines étapes.

Les « sans-papiers » devraient donc à mon avis plutôt être surnommés les « avec beaucoup de papiers mais parfois pas les bons !